Définition de SERF, ERVE

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : sèrf, sèr-v' ; au pluriel, la plupart font entendre l'f ; cependant quelques-uns le prononcent sêr,

DÉFINITIONS

1
Celui qui ne jouit pas de la liberté personnelle, esclave.
Qu'était Rome, en effet ? qui furent vos ancêtres ? Un vil amas de serfs, échappés à leurs maîtres
de SAURIN dans Spartacus, III, 4
Athènes eut vingt serfs pour un citoyen ; la disproportion fut encore plus grande à Rome devenue la maîtresse du monde
de Guillaume Thomas, abbé RAYNAL dans Hist. phil. XI, 24
Sémantique : Fig.
Étant serf du désir d'apprendre et de savoir
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Sat. III
La superstition guide leurs pas errants ; Elle est reine du peuple et serve des tyrans
de MASSON dans Helvétiens, V
Serfs de la sainte Mère de Dieu ou Blancs-Manteaux, ordre religieux fondé à Marseille (au XIIIe siècle).
2
En particulier au moyen âge, sous la féodalité et dans les pays qui sont encore régis par des institutions féodales, personne attachée à la glèbe et ne pouvant disposer ni de sa personne ni de son bien.
Les serfs du domaine du roi furent affranchis par un édit de Louis XVI
dans Dict. de l'Acad.
Un serf n'a point de famille, ni par conséquent de nation
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Esp. XXX, 25
Les seigneurs, en affranchissant leurs serfs, se privèrent de leurs biens ; il fallut donc régler les droits que les seigneurs se réservaient pour l'équivalent de leurs biens
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans ib. XXVIII, 45
Louis VI déclara par une charte que les serfs ou hommes de corps de l'église de Paris pourraient témoigner contre qui ce fût
de SAINT-FOIX dans Ess. Paris, Oeuv. t. III, p. 214, dans POUGENS
C'est en vertu de cette loi [du pape Alexandre III, que tous les chrétiens devaient être exempts de la servitude] que, longtemps après, le roi Louis Hutin dans ses chartes déclara que tous les serfs qui restaient encore en France devaient être affranchis, parce que c'est, dit-il, le royaume des Francs
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Moeurs, 83
J'ai eu la visite d'un serf et d'une serve des chanoines de Saint-Claude
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. duc de Choiseul, 7 sept. 1770
Les moines possèdent la moitié des terres de la Franche-Comté, et toutes ces terres ne sont peuplées que de serfs
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Pol. et lég. Extrait d'un mémoire.
La Pologne serait beaucoup plus riche, plus peuplée, plus heureuse, si les serfs étaient affranchis, s'ils avaient la liberté du corps et de l'âme
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. du roi de Pologne, 6 déc. 1767
Les possessions ordinaires des serfs, le fond de leur existence, consistaient moins en propriétés qu'en amodiations de terres concédées à charge de service et de cens
de NAUDET dans Instit. Mém. inscr. et bell. lett. t. VIII, p. 585
3
Sémantique : Terme d'alchimie. Le serf rouge, la magnésie.
4
Nature : Adj. Qui appartient au servage. Les hommes serfs. Condition serve.
Ces moines [de Saint-Claude] prétendent justifier cet abominable usage [le servage conservé chez eux] ; ils répandent partout que ces serfs sont les plus heureux de tous les hommes, et que les terres serves sont les plus peuplées
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Pol. et lég. Extrait d'un mémoire.
Héritage serf, héritage pour lequel il était dû une somme au seigneur.
Sémantique : Fig. Qui est sans indépendance.
Des esprits serfs
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Dial. XXIV, 9
Serf arbitre, se dit, par opposition à libre arbitre, de la volonté déterminée par l'ordre de Dieu ou par l'ordre des choses. Luther a écrit un livre sur le serf arbitre.

HISTORIQUE

1
XIe s.
Pur le franc home dix solz, et pur le serf vingt solz
dans Lois de Guill. 8
À une estache l'unt ataché cil serf
dans Ch. de Rol CCLXXII
2
XIIe s.
Vendre [elle] me puet [peut] ou doner ; Ses sers sui sans racheter
dans Couci, p. 123
Encor ne vous a pas Charles à sers conquis
dans Sax. XXVI
Ydunc s'en sunt parti li serf d'iniquité
dans Th. le mart. 151
3
XIIIe s.
Alixandres evesques, siers des siers de Dieu, à nos chiers fieux Lambert et les freres malades de Douai
de TAILLIAR dans Recueil, p. 500
Margiste vostre serve avec vous laisserai
dans Berte, VII
Il sont appelé serf, porceque li empereur comanderent que li chaitif fussent vendu et ne fussent pas ocis ; et einsi estoient il gardé
dans Digeste, f° 7
Briefment tant est chetis et nices, Qu'il est sers à trestous les vices
dans la Rose, 19436
Vous volés que j'oneure et serve Ceste gent qui est fausse et serve
dans ib. 7838
Tant sunt d'avarice lié.... Qu'il sunt tuit serf à lor deniers
dans ib. 5177
Se li sires qui le poursuit par ourine [origine] provoit que le [la] mere de se [sa] mere fust se [sa] serve
de Philippe de BEAUMANOIR dans XLV, 13
Lequel Humbert, en eschange de ce, baille audit chapitre tous les hommes et les femmes que lui et sa femme havoient à Egligny, sers et serves de chefs et de corps, avec la progeniée et la sigance de tous les hommes et de toutes les femmes
de Victor Henri-Joseph Brahain, dit DU CANGE dans servus.
4
XIVe s.
Qui de son serf fait son seigneur, ses ennemis monteplie
de MACHAUT dans p. 136
On dit communement que qui essauce son serf, il en fait son ennemy
dans Ménagier, I, 5
5
XVe s.
Au commencement du monde n'avoient esté nuls serfs
de Jean FROISSART dans II, II, 106
Nous sommes appelés serfs et battus, se nous ne faisons presentement leur service [des nobles]
de Jean FROISSART dans II, II, 106
Si vous me voulez faire ce que vous promettez par vostre courtoisie, je demeurerai vostre serve à tous jours [la reine Isabelle remerciant Jean de Hainaut]
de Jean FROISSART dans I, I, 14
Je voy seigneurie descendre Es sers par science affranchis ; Je voy les povres enrichis, Et les riches nobles tout perdre, Pour ce qu'ilz ne veulent aerdre Leurs cuers à apprendre science
de Eustache DESCHAMPS dans Miroir de mariage, p. 114
....Chevance et aveir ne sont que assessoires et serves à vertu et comme chamberieres
de Alain CHARTIER dans Quadrilogue invectif.
6
XVIe s.
[Une dame] ....pour le nom d'amant que merite ma paine, Du seul tiltre de serf ne me daigne honorer
de Philippe DESPORTES dans Imitation de la complainte de Bradamande.
[Dieu,] La flamme, l'air, la terre et l'onde Sont serfs de ton commandement
de Philippe DESPORTES dans Oeuv. chrest. XVIII, ode.
Et faudra que nostre nation, qui s'est tant faite renommer par vray vaillance, se voye serve de celles qui lui ont autrefois obéi
de Francois LANOUE, dit Lanoue Bras de Fer dans 203

ÉTYMOLOGIE

1
Provenç. serf, ser ; espagn. siervo ; du lat. servus, esclave. Les jurisconsultes latins (Dig. de statu hominum, II, 5) ont rattaché servus à servare, comme étant l'homme pris à la guerre, conservé et non tué ; des étymologistes modernes se sont aussi rangés à cet avis ; mais il est évident que servire est le dénominatif de servus (voy. donc SERVIR).